Comment la musique, la danse et la transe peuvent-elles devenir des alliées pour nous aider à réguler nos émotions et à surmonter les blocages ? Comment démystifier et accompagner ce processus en douceur et sans autorité ? Quelle posture pour le musicothérapeute ?
La musique, la danse et la transe ne sont pas seulement des formes d'expression artistique : elles sont aussi des outils thérapeutiques puissants, capables de transformer l'expérience humaine dans des moments de souffrance psychologique. À travers les âges, cultures et traditions ont utilisé ces pratiques pour soulager, apaiser et guérir. Aujourd'hui, de plus en plus d'études montrent l'impact de la musique et du mouvement sur la régulation émotionnelle et la résilience psychologique, en particulier dans des contextes cliniques tels que la dépression, le deuil ou l’anxiété.
Pourtant, lorsqu’on évoque la « transe » en thérapie ou même la musicothérapie, l'imaginaire collectif tend à les associer à des pratiques mystiques, éloignant parfois le sujet de ses fondements scientifiques. Mon approche vise donc ici à replacer la transe dans un cadre clinique, en s’appuyant sur les données neuroscientifiques et psychothérapeutiques. Loin d'une approche ésotérique, symbolique que l'on retrouve à de nombreuses reprises dans le réseau parfois préoccupant du développement personnel, la transe thérapeutique déclenchée par la musique et le mouvement agit sur les circuits émotionnels du cerveau, permettant un accès à des zones de la mémoire et de la conscience souvent inaccessibles par la parole seule.
En abordant les liens entre musique, mouvement et guérison lors de séances de groupe à domicile, je souhaite offrir un éclairage sur les potentialités de la transe thérapeutique, non comme une expérience mystique, mais bien comme une pratique clinique où corps et esprit travaillent de concert pour apaiser et restaurer, et porter au nu la posture du thérapeute lors de tels accompagnements.
Science's closures : retour sur les effets scientifiques du mouvement, de la transe et de la musique sur le cerveau musique, transe & danse
Les recherches sur les effets thérapeutiques de la musique et du mouvement se sont multipliées ces dernières décennies, en révélant comment ils influencent le cerveau, le système nerveux et l'équilibre émotionnel. Les états de transe musicale et de mouvement rythmique agissent sur plusieurs niveaux physiologiques et neurologiques, apportant des bienfaits dans le traitement de troubles comme la dépression, le stress post-traumatique et les situations de deuil. musique, transe & danse
Des études montrent que la musique stimule les circuits de récompense et d'émotion dans le cerveau, notamment les structures liées à la dopamine, qui jouent un rôle crucial dans la régulation de l’humeur et la sensation de bien-être. La danse et les mouvements rythmiques, quant à eux, entraînent la libération d’endorphines et d’ocytocine, favorisant ainsi une régulation du stress et une meilleure connexion aux autres.
En thérapie comme vécu lors de séances de groupe au cabinet Les Sons Naissances, cet effet combiné de la musique et du mouvement permet aux patients d'explorer leurs émotions d'une manière corporelle et non verbale. Dans le cas de la dépression, en particulier post-partum, ces interventions peuvent rétablir un sentiment d'ancrage et de contrôle de soi, en agissant comme un "levier" pour accéder aux émotions bloquées et aux mémoires associées (récit de naissance, enfance…). Les patients en deuil, de même, peuvent éprouver une libération des charges émotionnelles grâce aux mouvements rythmés et à l'expression corporelle, permettant une externalisation des ressentis autrement difficile à verbaliser.
La transe musicale et son impact sur la régulation émotionnelle
La musique sous-tend l'imaginaire tout entier, les fantasmes, les envies de transgression de la loi. Elle veut permettre que s'expriment les dysfonctionnements d'une microsociété et aussi les dysfonctionnements personnels et interpersonnels provoquant une sorte de catharsis bienfaisante en expurgeant également tout ce qui était gênant, en traitant, en perlaborant même. Transterpsychothérapie, Incidences des musiques traditionnelles des provinces de l'Ouest de la France - Jean-François Beauchêne (2017)
« Il y a une vitalité, une force de vie, une énergie, une impulsion qui est traduite à travers vous en action, et parce qu’il n’y a qu’un seul vous en tout temps, cette expression est unique. » -- Martha Graham (danseuse et chorégraphe)
Plusieurs recherches, notamment celles menées par Corinne Sombrun, autrice et ethnomusicologue à l’origine du premier protocole de recherche sur la transe chamanique étudiée par les neurosciences, la transe dans un premier temps musicale mobilise des circuits neurophysiologiques capables de provoquer des états de relaxation, d’éveil contrôlés et une nouvelle perception de soi, aidant les patients à externaliser des émotions refoulées. Stephen W. Porges (2011), avec sa théorie polyvagale, illustre comment la musique et le rythme interagissent avec le système nerveux autonome pour moduler la réponse de stress et restaurer un sentiment de sécurité.
La transe musicale, particulièrement via des rythmes de percussions, stimule des parties primitives du cerveau associées à la mémoire et aux émotions, telles que l'amygdale et l'hippocampe. Dans un cadre de musicothérapie, cette mobilisation permet aux patients de revisiter des souvenirs douloureux dans un état de conscience modifié, facilitant ainsi l’expression et l’intégration de ces expériences. Cet état de conscience semble à la fois aller vers une dissociation et favoriser une connexion profonde avec soi-même, pouvant atténuer des sentiments de perte, d’anxiété et de colère, mais aussi exacerber des réviviscences, imposant au thérapeute d'accompagner avec bienveillance et professionnalisme.
Les "Ateliers Nomades" : structure et déroulement du suivi
Entre 2022 et 2023, j'ai approfondi le champ de la transe musicale, explorant et intégrant une forme de transe induite par le mouvement et les stimuli auditifs dans des séances de musicothérapie analytique de groupe. Mon objectif était d'enrichir ces séances en m'appuyant sur les travaux de Yat Malmgren (1916-2002), fondateur de la célèbre méthode qui porte son nom et du Drama Center de Londres. De cette démarche sont nés les ateliers nomades, des espaces de découverte où le mouvement, le son et le jeu théâtral permettaient aux sujets de se reconnecter à leurs émotions et histoires relationnelles en profondeur.
Conçus comme un accompagnement à domicile sur la thématique de la naissance et du lien d'attachement, ces ateliers, organisés sur 16 semaines, se structuraient en trois séances clés, chacune de deux heures et demie à trois heures. Les groupes restreints, composés de quatre à cinq participants se connaissant mais dont j'ignorais tout hormis une présentation succincte de la part de l'hôte accueillant l'atelier, permettaient de créer un espace sécurisant et intime, propice à la libération émotionnelle et à l'humilité professionnelle.
Le programme de ces de trois séances était structuré autour d'objectifs thérapeutiques spécifiques :
La création d'un lien de confiance et la mise en mouvement sensorielle/corporelle,
L'activation de l'inconscient et de la catharsis,
L'introspection et l'intégration du vécu en et hors séance
La musique et la danse, en tant qu'expressions non verbales, ouvrent un espace unique où l'inconscient peut se dire, se jouer et se transformer, dans un cadre qui soutient l'exploration émotionnelle et la reconstruction de soi.
Première Séance : la création du lien de confiance et la mise en mouvement
La première séance fut axée sur l’établissement d’un lien de confiance, essentiel pour le travail émotionnel et relationnel à venir. Dans ce cadre de groupe restreint, l’approche s’est déroulée par étapes progressives :
Étirements et travail de respiration : En guise d’introduction, un moment de préparation corporelle fut proposé, où les participants effectuèrent des étirements et des exercices respiratoires. Cela permit de relâcher les tensions physiques, de recentrer l’attention sur le corps et de s’ancrer dans l’instant présent, en se détachant des préoccupations extérieures.
Relaxation sous induction musicale : Un protocole de musicothérapie clinique fut utilisé pour induire une relaxation profonde, comprenant quatre phases :
Introduction : Un temps d’accueil musical habituant les participants aux sons et les préparant mentalement et physiquement à la séance.
Neutralisation : La musique apaise progressivement le mental, réduisant les pensées parasites et créant un espace de sérénité intérieure.
Relaxation : Le son guide ensuite les participants dans une détente complète, permettant un relâchement musculaire et une profonde introspection.
Éveil : En douceur, les participants sont accompagnés vers un retour à un état de conscience plus actif, ancré dans un sentiment de calme et de sécurité.
Mise en mouvement et bercement dos à dos : Après la relaxation, une phase de mise en mouvement s’ouvre, où les participants se bercent doucement en chantant dos à dos, créant une connexion, sans pour autant imposer une trop grande intimité (ceci après m'être rendue compte que le face-à-face frontal peut être vu comme une intrusion beaucoup trop franche). Chaque participant entonnant une berceuse à deux voix et s’ancrant dans une résonance émotionnelle personnelle, tandis que le contact physique léger favorise un sentiment de sécurité.
Circle Song (transe vocale) : Les participants furent invités à chanter en cercle, dans un processus de « circle song » qui inclut des mélodies improvisées en boucle de sons et des rythmes progressivement accélérés, puis ralentis. Ce travail eut pour effet de synchroniser et de réguler les rythmes cardiaques, permettant une régulation émotionnelle et physiologique. Cette technique aida à relâcher des tensions émotionnelles latentes et encouragea une libération corporelle des ressentis refoulés.
Moment de partage et de retour d’expérience : La séance se terminait par un temps de partage où chacun exprimait, s’il le souhaitait, son ressenti. Ce moment fut précieux pour que les participants verbalisent leurs expériences, posent des mots sur leurs émotions, et prennent conscience des effets bénéfiques ressentis pendant la séance.
Suite à cette première session, un travail de journaling fut recommandé sur une période d’un mois pour approfondir les ressentis et les prises de conscience qui émergèrent. Les participants furent invités à noter leurs émotions, sensations et évolutions psychiques, ce qui favorisa une meilleure compréhension de leur vécu et une intégration progressive des bienfaits de la séance.
Deuxième Séance : l'activation de l'inconscient et de la catharsis
Un mois après la première séance, la seconde rencontre fut dédiée à un travail de libération émotionnelle plus intense permettant ainsi de dénouer des blocages plus profonds.
Transe danse de 30 minutes : La séance débute par un passage dansé de 30 minutes, sans interruption. La danse, sous des rythmes de plus en plus intenses, les jeux en miroir et l'improvisation non censurée, encourage l’expression des émotions refoulées par le mouvement. Cette pratique permet à la fois une libération, mais également une forme d'épuisement corporel et émotionnel, en déchargeant les tensions accumulées de manière non verbale. Le corps ainsi libéré de toute entrave peut exprimer, verbaliser.
Jeux théâtraux : Intégrés pour encourager l’expression libre et spontanée des émotions, ces exercices favorisent la catharsis, en permettant aux participants de libérer des ressentis par des mouvements et des vocalisations rythmés et répétitifs (donnons pour exemple la verbalisation sous forme de scansions en face à face "je te déteste - je t'aime" ou encore le fait de lâcher le corps en rythme pour accéder aux "résistances" du sujet).
Relaxation immersive avec sons in utero : La relaxation suivante, d’une durée de 40 minutes, utilise notamment des sons in utero pour recréer un environnement sonore sécurisant et enveloppant et ainsi favoriser l'émergence de mémoires oubliées. Ce type de relaxation que je nomme "immersive" offre un sentiment de sécurité quasi-primal, rappelant l’environnement de l’utérus, et permet une régulation profonde des émotions. Les sons in utero aident les participants à se recentrer et à se reconnecter avec leur propre être, loin des tensions accumulées.
Partage et journaling : La séance se conclut par un moment de partage, suivi de recommandations pour un nouveau mois de journaling. Ce journal personnel permet aux participants de noter leur progression émotionnelle, en s’aidant des exercices pratiques pour intégrer durablement les effets de la séance.
Troisième Séance : l'introspection et l'intégration du vécu en et hors séance
La troisième séance, qui marque la fin du programme initial, est une séance de bilan qui permet de faire le point sur les transformations opérées au cours des 16 semaines par le partage et l'écoute de différentes œuvres.
Évaluation des progrès : Chacun des participants est invité à partager ses expériences, ses prises de conscience et les changements notés dans son bien-être émotionnel depuis le début du programme. Cette réflexion collective est une étape essentielle pour intégrer les bienfaits des deux premières séances et comprendre les effets thérapeutiques du travail de transe et de relaxation musicale.
Invitation à poursuivre : Pour les participants qui le souhaitent, un suivi plus approfondi peut être proposé, en fonction de leur désir de poursuivre l’exploration thérapeutique. Cela peut inclure des séances individuelles, pour des besoins spécifiques, ou des ateliers de groupe prolongés.
Etude de cas
T.*, 57 ans, a suivi les ateliers dans le cadre d'une découverte de la pratique et dans une volonté de comprendre ses résistances du moment. Bien que son envie première ne se résumait pas à cela et était emprunte d'un certain mysticisme, c'est dans la cure d'un deuil complexe lié à la relation avec sa mère que furent finalement engagés les soins de musicothérapie. Dès la première séance puis de manière plus profonde à la séance suivante, T. a manifesté des émotions intenses, en particulier lors des jeux théâtraux et de la relaxation immersive. Elle se mit notamment a crier "maman, pardon !", "ce n'est pas normal", "j'ai rien fait !", exprimant un sentiment de culpabilité profondément enfoui. J'apprendrai au cours de cette même séance que la petite T. s'étant un jour souillée, avait été mise en pénitence par sa mère, nue, devant la maison, dans le froid. Ce moment de régression, provoqué par les exercices verbaux rythmés a déclenché des souvenirs enfouis qui menaçaient de la "submerger". Pour aider T. à contenir cette vague émotionnelle, le recours à la contention, puis à l'enveloppement et au toucher relationnel avant et pendant la relaxation immersive furent nécessaires. Dans un cadre thérapeutique respectueux, cette méthode permit de créer une sensation de sécurité corporelle, essentielle pour ancrer la patiente dans le présent. L'enveloppement doux, associée au rythme des battements du cœur maternel (tambour chamanique in situ), a agi comme un point d'ancrage face aux souvenirs intenses. À travers ce processus, T. a pu revisiter sa relation avec sa mère, trouver un apaisement progressif et exprimer son pardon dans un cadre sécurisé. Pour autant, le mois d'avant la troisième séance passant, elle refusa le travail de journaling et le fit vivement sentir. Un "oui maîtresse" lancé avec vigueur me fit comprendre qu'un travail de transfert s'était mis en place, nécessitant un accompagnement doux de ma part des résistances. "Tu sais ce travail de journaling pouvait se faire à l'oral ou tout simplement ne pas être rendu. Il n'était en rien obligatoire et tu as tout à fait le droit de le refuser car tu es libre, et je ne suis pas ta maîtresse". -- Silence, et des yeux déconcertés me regardent -- "Alors j'ai...le droit ? Je n'avais jamais vu les choses ainsi...Waouh la force de mes pensées, cette colère dans mon corps (elle me montre son ventre qu'elle a beaucoup touché en deuxième séance)...Merci !" La suite et la fin de la séance se firent sans heurts. T. venait de découvrir l'apaisement.
*Prénom de la patiente anonymisé afin de garantir le respect du secret professionnel.
La posture du thérapeute : entre contenance et soutien émotionnel
Dans des situations d’intensité émotionnelle comme celle de T., la posture du thérapeute est déterminante. Le musicothérapeute doit être une présence constante mais non intrusive, capable de contenir l’intensité émotionnelle et de respecter les limites éthiques et physiques du patient. Cette approche peut rappeler la posture du psychanalyste, qui veille à rester neutre tout en apportant un cadre sécurisant.
Le rôle du thérapeute, dans toute approche de soin, repose sur une posture qui mêle écoute, soutien et un engagement profond envers le bien-être de la personne accompagnée. Cette posture n'est pas une position de pouvoir ou d'autorité, mais plutôt une place de présence active et bienveillante, qui permet au patient de se sentir à la fois entendu, accueilli et soutenu dans son parcours personnel.
Fournir un espace sécurisant où les émotions, même les plus intenses, peuvent s’exprimer sans jugement est essentiel. Cette capacité à « contenir » aide le patient à ne pas se sentir débordé par ses propres affects, surtout lorsque ceux-ci sont douloureux, conflictuels ou profondément enfouis. Une posture contenante est indispensable pour que le patient puisse, petit à petit, accepter de se livrer, de s’ouvrir à son propre vécu et d'explorer ce qu'il garde en lui de manière plus sûre.
En prenant le temps d’offrir à T. une contenance à la fois physique et psychologique, cette dernière a pu revisiter des émotions profondément enfouies, les exprimer dans un cadre sûr et commencer un processus de réconciliation intérieure. Ce travail, alliant musicothérapie, relaxation immersive et techniques d’enveloppement, l’a progressivement menée vers une paix intérieure qu’elle n’avait peut-être jamais envisagée, et ce, en honorant son rythme et en respectant ses limites.
Soutenir, dans ce contexte, signifie alors de devenir cette présence stable et rassurante, qui offre au patient l’espace et les ressources pour exprimer ses vulnérabilités et ses forces. Cela implique parfois de poser des mots là où le patient n’en a pas encore, de reformuler ou de faire écho à ses propres ressentis pour les clarifier et les valider.
"Tu sais ce travail de journaling pouvait se faire à l'oral ou tout simplement ne pas être rendu. Il n'était en rien obligatoire et tu as tout à fait le droit de le refuser car tu es libre, et je ne suis pas ta maîtresse".
Les mots ont du sens et un poids.
Observations et précisions
Si chaque patient est unique et chaque chemin thérapeutique différent, nous entendrons volontiers que le thérapeute lui-même est en apprentissage continu, ajustant sa pratique au gré des séances, en fonction de l’évolution des besoins et du ressenti de la personne qu’il accompagne. C'est pourquoi en revenant sur ces ateliers j'insiste sur certains éléments qu'il me semble important de rappeler :
La mise en transe musicale est et reste un outil délicat, un alliés puissant pouvant véritablement nous aider à réguler nos émotions et à surmonter les blocages, mais qu'il faut utiliser avec sagesse et conscience. Dans le cas des ateliers nomades, la transe ne renvoie pas nécessairement aux états de conscience altérés typiques de la transe hypnotique ou chamanique décrite par Corine Sombrun, mais peut être comprise davantage comme un état d'immersion profonde dans lequel le corps, le son, et l’esprit s'unissent pour créer une ouverture vers les émotions et les souvenirs enfouis. Ce processus s'approfondit à travers des exercices qui engagent la résonance corporelle aux sons et aux rythmes, et les mouvements expressifs. Dans ce cadre, j'envisage donc de plus parler d'une transe de connexion ou d’un état d’absorption intense. Cet état permet au patient d'accéder aux zones émotionnelles et inconscientes, tout en restant ancré et en sécurité dans un cadre thérapeutique précis. Ainsi, la transe dans ce contexte n'est-elle pas un but en soi, mais plutôt un outil permettant l'exploration thérapeutique profonde de l’inconscient et des mémoires corporelles au sein d'un groupe.
Le soin et l'accompagnement nécessitent une écoute flottante de la part du musicothérapeute où chaque geste, mot, lapsus se doit d'être entendu et non jugé pour laisser le sujet arpenter le chemin de sa psyché et de ses souvenirs. Mais également une forme de contenant et de soutien pour ne pas aggraver mais bien aider à la résolution des conflits latents du ou des patients.
La mise en place d'un cadre thérapeutique clair et sécurisant reste essentiel à la bonne marche de la cure et ne peut donc se faire sans connaissances, sous couvert de pseudo-science. La musicothérapie n'est pas une pseudo-science. C'est un processus de soin prenant son attache dans la matière musicale brute et se déployant à travers le corps et l'esprit par un mécanisme de va-et-vient indispensable avec le patient.
Le groupe fait partie intégrante du soin ; la puissance de la thérapie de groupe repose sur la confiance établie entre les participants. Les effets de transfert et de contre-transfert, notamment dans le travail musical, de transe, ou de danse, sont des dynamiques fondamentales. Cette interaction permet une "contagion émotionnelle", où les émotions d'un participant peuvent éveiller celles des autres, facilitant ainsi une catharsis collective.
L'accès à la seconde séance de l'atelier nomade, en particulier pour les femmes en post-partum, doit être réalisé avec la plus grande prudence, car cette période représente une phase complexe de la maternité, marquée par une fragilité nécessitant un accompagnement bienveillant et une approche adaptée. Il est donc essentiel de vérifier l'état de ces mères à travers des outils spécifiques, tels que le questionnaire EPDM, enrichi par une approche musicothérapeutique actuellement en développement au sein du Cabinet Les Sons Naissances: l'Échelle d'Évaluation Psychomusicale Postnatale (EEPP).
Témoignage de S., 43 ans, autre patient, après le programme de 16 semaines
❝ Enfin je prends le temps de te remercier pour ce que l'expérience que tu as si bien guidée m'a apporté. Réécouter, prendre le temps de se laisser guider par le son et en comprendre l'essentiel. J'ai baigné depuis toujours dans le son, la musique par mon métier, mes affinités. Je crois que tu m'as permis d'y mettre une pierre, un peu comme la clé de voûte sur laquelle je vais me construire à l'avenir. ❞
Conclusion
Nous avons pu voir que la thérapie par la musique, la danse et la transe possède un potentiel thérapeutique immense, lorsqu’elle est encadrée de manière professionnelle. Car pour accompagner des patients dans des processus émotionnels intenses comme ceux de T., il reste nécessaire d'apprendre à canaliser les forces du mouvement et de la musique au service de la guérison.
Les exemples de pratiques institutionnalisées, comme celle de l’Institut de Corinne Sombrun, rappellent l'importance d’un cadre clair pour que ces pratiques quelque soit la forme qu'elles prennent (comme ici analytique) puissent rester sûres. À mesure que la musicothérapie et la thérapie par le mouvement évoluent, il devient essentiel de faire reconnaître leurs vertus cliniques, pour offrir aux patients un chemin de guérison.
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