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Un consentement nommé désir

Photo du rédacteur: Lucile Jourdain-CuzenardLucile Jourdain-Cuzenard

Et si on en finissait avec Œdipe ?

Chers lecteurs,


Il y a parfois des choses que l'on tait mais qui pourtant méritent toute notre attention. Après des années à prendre soin des femmes cassées, brutalisées dans leurs chairs, il me semble important de parler de ce sujet. Âmes sensibles, poursuivez la lecture. En espérant que cela vous apportera un éclairage sur ce jeu de dame.


Les films regorgent de ces scènes où une femme dit "non", mais l’homme insiste. Il s’approche, la force doucement, la regarde intensément, et finit par l’embrasser malgré son refus initial.


Dans ces moments-là, l’héroïne semble en tension : son corps se crispe, son souffle s’accélère, ses yeux fuient ou s’embrasent. Le spectateur est invité à y voir du désir, une lutte intérieure qui aboutira forcément à une soumission passionnée.


Mais qu’en est-il vraiment ?



 

La confusion entre tension et désir


Le cinéma a forgé un mythe dangereux : celui du "non" qui veut dire "oui", du refus apparent qui cacherait une envie secrète. Cette idée repose sur une lecture erronée du corps féminin. Ce qui est souvent perçu comme du désir est en réalité une mise sous tension.


Une contraction musculaire, une immobilisation, un blocage respiratoire : autant de signes qui, dans un contexte neutre, traduisent la peur et non l’excitation.


Ce malentendu est au cœur de la culture du viol. Car si la société a appris aux hommes que l’insistance est une forme de séduction, elle a également enseigné aux femmes qu’être désirée est une valeur, que se laisser conquérir est une finalité, et que refuser trop catégoriquement serait une faute.


C'est pourquoi ce soir, je vous présente cette mise en abîme : voici donc Anna.


Anna n’existe pas. Mais elle pourrait. Je vous prie donc de bien vouloir entrer dans le jeu et me laisser vous conter son histoire :


Anna a six ans. Elle a des tresses brunes et un regard de tempête. Quand elle n’aime pas quelque chose, elle croise les bras, plante ses petits pieds au sol et dit "non". Droit dans les yeux. Sans détour. Ses parents trouvent cela exaspérant. Ses grands-parents hochent la tête, sceptiques. "Elle a du caractère, celle-là…" murmurent-ils. Dans la cour de l’école, certains enfants l’admirent, d’autres la craignent un peu.


Puis Anna grandit. Peu à peu, son "non" devient un "d’accord" murmuré, un sourire crispé, un hochement de tête automatique. Elle apprend, comme toutes les petites filles, que dire "non", ce n’est pas joli. Que cela met les autres mal à l’aise. Que ça fait d’elle une enfant difficile. Une adolescente capricieuse. Une femme arrogante. Elle apprend que s’effacer, c’est s’intégrer. Qu’être gentille, c’est être aimée.


On lui parle de sociabilisation. Pas de socialisation – non. Ce n’est pas la même chose. La sociabilisation, c’est apprendre à se mouler dans les attentes des autres. C’est dire "oui" pour éviter les conflits, sourire même quand on est mal à l’aise, avaler des "ça va ?" auxquels on ne veut pas répondre. C’est ignorer cette voix intérieure qui gronde encore, qui aimerait poser des limites, qui voudrait retrouver l’aplomb de ses six ans.


Et puis un jour, Anna se retrouve à dire "oui" à quelque chose qu’elle ne voulait pas. Pas vraiment. Elle n’a pas crié. Elle n’a pas résisté. Elle s’est figée, pétrifiée par des années d’apprentissage silencieux. Par cette peur ancrée d’être trop bruyante, trop dérangeante, trop "chiante". Par ce réflexe insidieux de ne pas déplaire, de ne pas contrarier. Elle se dira qu’elle aurait dû parler plus fort, se débattre, s’enfuir. Mais elle a simplement obéi à tout ce qu’on lui a inculqué.


Le mot "viol" lui brûle la gorge. Parce qu’on lui a aussi appris que si elle n’a pas dit "non" assez fort, alors ce n’est pas vraiment un viol. Que si elle était là, c’est qu’elle avait donné son accord. Que le silence, c’est du consentement. Mais elle le sait, au fond d’elle : son corps, lui, hurlait. Son cœur tambourinait un refus que personne n’a entendu. Parce qu’on ne l’a pas écoutée. Parce qu’elle-même a désappris à s’écouter.


Anna n’est pas seule. Elles sont des milliers, des millions, à avoir été dressées à l’effacement. À avoir compris qu’exister, c’est être douce, conciliante, malléable. Que dire "non", c’est être méchante. Que refuser, c’est blesser l’autre. Femme, je le suis, et je n'ai malheureusement pu échapper aux regards insistants, aux phrases à côté. Et comme le pourrais-je ? A bien y regarder, il semblerait que nous soyons plus d'une femme sur trois victimes de violences sexistes et sexuelles. Qu'importe le lieu de vie, le niveau d'instruction ou l'éducation, ce mal semble s'insinuer partout, dans chaque recoin de nos vies.


Force est de constater que l'on imagine souvent ce mal toucher la femme faible, fragile, tapis dans l'ombre près d'un lavabo, ensanglantée, le visage tuméfié, à attendre que les coups s'arrêtent et que le bourreau se lasse. Chers lecteurs, je vous choque ? Je prends volontairement cet exemple, car je veux que vous réalisiez quelque chose : et si cette femme était votre petite fille ? Mesdames, messieurs, si cette femme gisant là était "la prunelle de vos yeux" ? Ce bout de vie humaine qui a un jour enlacé vos doigts...que diriez-vous ?


Voyez comme le jeu devient cruel. Comme il devient plus aisé de sentir la lame ardente, la douleur que représente cette violence perpétuée de générations en générations.


"Mais enfin Lucile, que dis-tu ? Peut-être l'a-t-elle cherché ? Peut-être l'a-t-elle provoqué ? Peut-être a-t-elle aussi tapé, insulté ? "


Si je ne nie pas les violences de certaines, le faits sont là (retour non exhaustif de séances) :


  • Aucun garçon ne prêtera attention aux fruits qui composent son plateau repas au self en évitant soigneusement de prendre une banane pour ne pas "aguicher" l'autre sexe.


  • Aucun homme ne sera verra affublé de noms tels que "poissonniers", "chieurs", "sal*ps" pour avoir osé porter sa voix et dire ce qu'il pense.


  • Aucun homme n'aura cette peur d'être suivie dans la rue, le bras tremblant, la main serrant son téléphone ou faisant mine d'appeler pour qu'on le laisse tranquille.


  • Aucun homme n'aura peur de dire qu'il est attiré par l'autre sexe sans risque d'être taxée à nouveau de "petite p*te".


  • Aucun homme n'aura à justifier sa manière de s'habiller ou que sais-je encore sous prétexte que c'est ce qui fait qu'il se retrouve dans une situation aussi misérable aujourd'hui.


  • Aucun homme ne se croira coupable quand l'autre aura passé les barrières de son intimité en l'embrassant de force ou pire. Non, il ne culpabilisera pas et ne trouvera pas d'excuse quand ce même autre assumera de passer à nouveau les barrières même sans consentement, pensant alors être chevaleresque tel Roméo se pendant à la fenêtre de Juliette.


  • Aucun homme n'entendra qu'il faut "se décoincer", "qu'il fait son beau" ou qu'un "petit coup de b*te lui ferait le plus grand bien" quand il refuserait d'accéder à sa requête.


  • Aucun homme ne se soucie depuis la plus grande enfance d'aller aux WC par deux ou de surveiller son verre en soirée parce que "on ne sait jamais".


En exhumant cette liste de quelques phrases sorties de séances, je me rends compte que cela semble jeter l'opprobre sur la gente masculine, mais croyez bien qu'il n'en est rien. Car je vois également dans quel monde ces derniers grandissent et tentent d'avancer, souvent a contrario de ce que l'enfant en eux aurait fait. Mais voilà, "Chut, ne pleure pas. Un homme ne pleure pas. N'exprime pas. Tu dois être fort."


Autant de mots qui génèrent mille maux et pour les plus invisibles, il n'en demeure pas moins que ces paroles ne s'envolent pas, mais s'inscrivent durablement dans le corps des uns et des autres.


A aucun moment je ne vois de faiblesse chez les femmes qui viennent me voir. A aucun moment mon esprit ne s'attarde par paraisse à garder cette image de l'homme ainsi fait comme étant la seule représentation du mal qui ronge. Car bien avant le mal visible, il y a l'invisible, le succinct, le parlé, les mots que l'on dit à l'enfant garçon ou fille et qui touchent l'âmes au point que le corps se tend puis se recroqueville pour ne devenir qu'une ombre humaine.


Alors, il est temps d’apprendre. D’apprendre à dire "non", pas juste dans la voix, mais dans le corps tout entier. D’apprendre à dire "oui" de manière consciente. A travailler sur soi si l'on sent que sa posture peut avoir été intrusive, abusive (nous y reviendrons !), manipulatrice, violente. À retrouver l’enfant aux tresses brunes et aux pieds plantés dans le sol. À se tenir droite, à regarder en face et à refuser, sans se justifier. À réapprendre la socialisation – la vraie. Celle qui ne demande pas de s’effacer pour être acceptée, mais qui permet de se tenir debout, libre, entière.


Viol : un mot qui cache son nom


Mais avant cela, j'aimerais m'attarder un instant sur un autre aspect que j'entends souvent en consultation : les prémices et la racine même du mot en V.


Non, prononçons-le, entendons-le car il ne disparaitra pas simplement en ne le disant pas : VIOL.


Le mot viol trouve son origine dans le latin violare, qui signifie "faire violence", "transgresser", "porter atteinte". Il est à l’origine du mot violence. Et pourtant, lorsqu’on l’emploie, on hésite. On trébuche. Comme si ce mot-là ne devait désigner qu’une seule chose, une chose extrême, brutale, sans appel. Comme si, sans pénétration, il n’y avait pas vraiment de viol.


Mais violer, c’est bien plus que cela. C’est franchir une limite sans y être invité. C’est entrer dans l’espace de l’autre sans son accord. D'ailleurs n'est-ce pas ce qu’on dit du fameux viol du secret professionnel : une intrusion, un manquement, la trahison d’une confiance accordée.


Et pourtant, il semble plus qu'important de rappeler ceci : notre corps est un sanctuaire. Il a ses portes (orifices, bouches et autres), ses seuils invisibles (sens), ses frontières tracées par l’intime (émotions, expériences, psyché). Et pourtant, combien de fois ces frontières sont-elles franchies sans permission ?


Elles le sont parfois par un regard insistant qui scrute, pèse, déshabille. Par une main qui s’attarde trop longtemps sur une épaule. Par un baiser qui se prend au lieu de se recevoir. Certaines patientes hésitent à qualifier ces actes. Elles disent : c’était abusif (oui voilà nous y revenons). Un mot qui semble atténuer la gravité, comme si abus était un simple excès, une maladresse.


Mais dans abusif, il y a abus. Et dans abus, il y a le double mouvement d’un pouvoir détourné et d’une victime qui subit. En latin, abuti signifiait "faire un usage excessif de", "user jusqu’à l’épuisement". En clair, une dépossession. Une mainmise sur quelque chose qui ne nous appartient pas.


Alors pourquoi hésite-t-on à nommer les choses ? Pourquoi ce malaise face à ces mots qui disent trop bien l’irréparable ?



Socialisation ou sociabilisation : quand apprendre à plaire empêche d’apprendre à dire non


On pense souvent que les enfants saisissent naturellement le consentement. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Un enfant ne demande pas toujours avant de toucher, d’embrasser, de s’approcher. Il le fait parfois, mais souvent il hésite, il attend un signal. Ce que l’on interprète comme de la timidité n’est qu’un respect instinctif des distances. Et pourtant, très tôt, on les pousse à dépasser cette retenue. On leur apprend à dire bonjour, à faire la bise, à donner la main, parfois même à embrasser un adulte qu’ils ne connaissent pas bien, "par politesse". On leur répète que c’est ainsi que l’on se fait aimer. Que c’est ainsi qu’il faut être.


C’est là à mon sens toute la différence entre socialisation et sociabilisation.


Je m'explique.


La socialisation est un apprentissage naturel : comprendre les règles de la vie en société, s’adapter aux autres tout en conservant son individualité. La sociabilisation, elle, est une injonction. Elle impose des comportements sous prétexte de conformité sociale, quitte à nier les ressentis de l’enfant.


Combien de fois un enfant réticent entend-il : Allez, ne fais pas ton timide, Un bisou pour tata, sinon elle sera triste ?


Dans ces moments-là, l’enfant apprend que son malaise n’est pas légitime. Qu’il vaut mieux faire plaisir que de décevoir. Que son corps n’est pas tout à fait à lui. Et ces leçons, ancrées depuis l’enfance, ne disparaissent pas une fois adulte. Elles sont là, quand une femme hésite avant de refuser une étreinte. Quand elle sourit par réflexe au lieu de repousser une main posée sur sa hanche. Quand elle cherche à justifier, à minimiser, à se convaincre qu’il n’y avait rien de grave. Mais également quand elle se force pour assouvir les désidératas d'autrui au risque de se désincarner et de se perdre.


Car on lui a appris que refuser, c’est blesser.


Que dire non, c’est être dure, froide, frigide, ingrate.


Que ce n’est pas ainsi qu’une femme doit être.


Et pourtant.


Le viol ne commence pas uniquement par un acte de pénétration. Il commence bien avant, dans ces moments où l’on force une intimité qui n’a pas été consentie. Un baiser volé, une main qui s’attarde sans invitation, un corps qui envahit l’espace personnel sans permission. Ces gestes, souvent minimisés, sont pourtant les premières étapes d’un rapport de force où l’un impose et l’autre subit. Et si certains adultes ignorent ce principe fondamental c'est parce qu’on leur a appris que c’était normal. Parce qu’ils n’ont jamais eu à se poser la question. Parce qu’ils n’ont jamais eu à se défendre.


Et peut-être, aussi, parce qu’on ne leur a jamais appris à entendre un non autrement qu’en écho d’un oui qu’ils attendaient.


Spectatrices de leur propre histoire


Elles sont là, dans la scène, mais à distance d’elles-mêmes.


Comme ces héroïnes tragiques d’opéra qui chantent leur propre perte sans pouvoir réécrire la partition. Comme Violetta dans La Traviata, qui se consume sous le regard des hommes, adorée puis sacrifiée, sans jamais être pleinement maîtresse de son destin. Comme Donna Anna dans Don Giovanni, tiraillée entre le désir, le devoir et l’abus subi, enfermée dans un récit dont elle ne détient pas les clés.


Elles regardent leur propre histoire défiler sous leurs yeux, sans bien comprendre qui tient la plume, qui dirige la mise en scène, et pourquoi elles jouent ce rôle-là. Au cinéma, combien de fois les femmes sont-elles réduites à cette position d’icône contemplée ? Vertigo d’Hitchcock en est l’une des représentations les plus glaçantes. Judy, façonnée, remodelée pour correspondre au fantasme masculin, se transforme en marionnette du désir de Scottie. Sa propre image lui échappe, refaçonnée selon une volonté extérieure, jusqu’à l’effacement.


C’est là que réside le piège : croire qu’elles sont les héroïnes alors qu’elles ne sont que des spectres, des silhouettes ajustées au regard de l’autre. On leur apprend à être désirées avant même qu’elles aient eu le temps d’éprouver leur propre désir. On leur enseigne comment être choisies, non comment choisir. Et parce qu’elles sont façonnées par cette attente, elles se croient au centre du récit alors qu’elles en sont les objets. Comme la Roxane de Cyrano de Bergerac, adulée, idéalisée, mais jamais vraiment perçue pour ce qu’elle est. Comme ces muses dans l’ombre des artistes, existant à travers le regard des autres mais rarement par elles-mêmes.

Dans ce schéma, elles deviennent des vases que l’on remplit, que l’on déplace, que l’on brise au gré des envies masculines.


Les chansons elles-mêmes regorgent d’images où la femme est passivité, attente. De Stand by Your Man à Every Breath You Take, où l’amour se conjugue avec la surveillance, où la dépendance émotionnelle est sublimée en vertu. Même dans les ballades romantiques, la femme est souvent cet être qui endure, qui patiente, qui subit l’histoire qu’on lui écrit.


Et pourtant, dans ces récits, certaines s’échappent.


Salomé danse, mais elle demande aussi la tête de celui qui la désire. Carmen chante sa liberté jusqu’au bout, même si elle en paie le prix. Gilda dans Rigoletto se sacrifie, mais c’est son choix.



Ce sont ces fissures, ces moments de bascule qui méritent d’être interrogés.


Comment passe-t-on du rôle de spectatrice à celui d’actrice ?


Comment sort-on du cadre, du mythe, de la partition qui semblait tracée d’avance ?


La question n’est pas tant de renverser le récit que de le réécrire. Car il ne suffit pas d’être au centre d’une histoire pour en être la narratrice.


Redevenir maîtresse du jeu


Il ne suffit pas de voir les fils qui nous entravent, encore faut-il apprendre à les délier.


Comprendre ce mécanisme, c’est déjà en briser une partie. Comme un décor en carton-pâte qui vacille lorsqu’on en perçoit la supercherie. Comme une scène où l’on découvre soudain que le script peut être réécrit. Il est temps d’analyser et de déconstruire ces dynamiques pour se repositionner en tant que sujet.


Cela signifie :


  • Apprendre à identifier et nommer son ressenti


Un "non" mal assuré n’en est pas moins un "non". L’intuition est un langage du corps, souvent étouffé sous des siècles de silence. Ce frisson d’alerte, cette crispation imperceptible, ce souffle suspendu – tous ces signaux que l’on a appris à ignorer sous prétexte qu’ils n’étaient pas "raisonnables". Pourtant, ils sont bien réels. L’opéra en regorge, ces moments où la voix tremble avant l’éclat, où la musique se tend avant la tragédie. Ils ne mentent jamais.


  • Refuser l’idée du jeu de la conquête


La séduction n’est pas un duel. Il n’y a pas de gagnant ni de perdant, pas d’adversaire à convaincre, pas de citadelle à prendre. Pourtant, combien d’histoires romantiques glorifient cette lutte ? Combien de héros insistent, poursuivent, manipulent, persuadent, jusqu’à ce que le "non" devienne un "oui" sous la pression ?


Pensons à Rhett Butler et Scarlett O’Hara, à cette scène culte où il la soulève dans les escaliers avec une brutalité maquillée en passion. Pensons aux figures d’amants ténébreux qui arrachent des baisers "volés", aux paroles de chansons qui murmurent que l’amour se mérite dans l’opposition. Le désir véritable ne devrait pas être une guerre. Il est un espace où chacun vient de son plein gré, sans ruse ni assaut.


Affirmer son désir ou son refus sans crainte

Un "non" ne demande pas d’explication. Un "je ne veux pas" ne devrait pas être suivi d’un "parce que". L’habitude de justifier, d’édulcorer, de tempérer pour ne pas heurter, pour ne pas vexer, est ancrée profondément. La peur d’être traitée de frigide, d’être jugée "difficile", d’être cataloguée comme "prétentieuse" ou "froide".


Mais pourquoi faudrait-il se défendre de ne pas vouloir ? Pourquoi le refus est-il vu comme une barrière à franchir plutôt qu’un point final ?


C’est là que réside le véritable renversement du jeu : ne plus se sentir coupable d’être la seule maîtresse de ses choix. Que ce soit sur une scène d’opéra, dans un scénario de film ou dans le silence d’une chambre.


Car une femme qui dit "oui" doit être celle qui a le pouvoir de dire "non".



L’importance du consentement et de la lecture du corps


Le consentement n’est pas une case à cocher, une formalité que l’on obtient du bout des lèvres. Il ne se limite pas à un "oui" ou à un "non", car le corps, lui, parle parfois plus fort que les mots.

Un enfant qui détourne la tête lorsqu’un adulte insiste pour un baiser sur la joue. Une femme dont les épaules se figent sous une main qui s’attarde trop longtemps. Un souffle qui se suspend. Un regard qui cherche une issue.


Apprendre à lire ces signaux, c’est comprendre qu’un corps qui se fige, qui se contracte, qui retient son souffle, ne manifeste pas du désir mais de la sidération. Ce n’est pas une invitation, c’est une résistance muette, celle d’un être qui n’a pas encore trouvé les mots pour refuser ou qui sait que ses mots risquent de ne pas être entendus.


Le consentement est un langage subtil, une écoute de soi et des autres qui ne devrait jamais être noyée sous des scénarios préécrits.


Lorsqu’un refus est minimisé, contourné, ou pire, nié, il ne s’efface pas avec le temps. Il s’ancre. Il creuse en silence des failles profondes :


  • Sentiment de dépossession : l’impression que son propre corps ne nous appartient plus tout à fait, que les frontières de l’intime ne sont pas inviolables.


  • Confusion identitaire : quand le désir de l’autre prend le pas sur le sien, quand "être désirée" devient plus important qu’"avoir du désir".


  • Construction affective perturbée : apprendre à dire "oui" pour ne pas déplaire, pour éviter un conflit, pour être "aimée" et ne pas être perçue comme froide ou ingrate.

Ces blessures ne s’arrêtent pas aux femmes qui les portent. Elles glissent d’une génération à l’autre, s’infiltrent dans l’éducation des enfants, dans la manière dont on leur apprend – ou non – à poser leurs limites.


Quand une petite fille se force à sourire alors qu’un adulte lui impose un contact qu’elle ne veut pas, elle apprend que son inconfort est moins important que le bien-être de l’autre. Quand un garçon n’entend jamais qu’un "non" peut être définitif, il grandit avec l’idée qu’un refus est une barrière temporaire, une invitation déguisée à insister.


C’est ainsi que se perpétuent les silences, les ambiguïtés, les blessures qui se devinent sans jamais être dites.


Rompre cette chaîne, c’est apprendre à écouter. Son propre corps, celui des autres. Enseigner que le respect commence là : dans la reconnaissance du moindre frisson de malaise, dans la légitimité d’un "non" sans justification, dans la certitude que chaque être humain est le seul maître de son espace intime.




C’est dans cette optique que j’ai créé Ô Féminin – La Maison des Mères. Bien plus qu’un simple accompagnement, ce nouvel espace thérapeutique permet dorénavant à chaque femme de se sentir soutenue et entendue. J'ai imaginé un espace mobile non pas juste pour les mères, mais bien dans l'idée de ce lien, cet attachement à notre première matrice. Un lieu qui, chose rare, en tout cas suffisamment pour le spécifier, se veut également ouvert à l'accueil des enfants pour toutes celles qui n'ont pas la possibilité de faire garder leurs enfants ou préfèrent venir avec eux tout simplement.


Et les hommes dans tout cela ?


Et bien chers amis, ne me croyez pas encline à déverser une quelconque haine pour le sexe opposé. Mes écrits et accompagnements n'ont pour seul objectif que de mettre en lumière nos errances humaines et d'accompagner la reconstruction de chacun. C'est pourquoi vous me verrez également déployer des accompagnements nomades mixtes autour des questions traitant du consentement, du positionnement et des empreintes psycho-corporelles des violences insidieuses.


Je crois fermement que c'est prenant soin des parts, que l'on réussira à élever le tout.



Alors, si cet itinéraire vous a plu, discutons-en en commentaire et pour toute prise de rdv ou intervention dans votre structure : www.lessonsnaissances.com :)



 


Pour aller plus loin


  • Si ce sujet vous interpelle, je vous invite à écouter le podcast Derrière le Rideau. Ce podcast donne la parole aux femmes ayant vécu ces violences et offre une lecture différente des mécanismes de dépossession et de sublimation du corps féminin, notamment dans le monde du spectacle vivant.


    Ayant moi-même été témoin de castings dans un orchestre national, où l'on préférait observer les postérieurs des candidates avant même de les entendre chanter, il est évident que ce phénomène est profondément enraciné. Et pourtant, demande-t-on la même chose aux hommes ? Non.


    J’ai pu en être témoin lors d’un casting masculin le même jour.

    Il est donc temps de déconstruire ces schémas et de redonner aux femmes la pleine maîtrise de leur corps sans craindre une quelconque interprétation malavisée du sexe opposé.


  • Mary Shelley (2017) de  Haifaa Al Mansour : un bijou cinématographique retraçant la vie de Mary Wollstonecraft, épouse du poète anglais Percy Shelley, éminemment connue pour son œuvre Frankenstein. Je vous le recommande !



  • Le couple parfait (2024) de Jenna Lamia et Susanne Bier : Si l'intrigue et le côté polar sont très engageants, c'est sur une scène particulière que j'aimerais attirer votre attention. RDV épisode 4. Déstabilisante, gênante, incroyablement interprétée, elle résume à elle-seule l'emprise et la manière dont le corps exprime le refus et finit par se contraindre tout de même. L'angle même de la photographie est vraiment ingénieuse.



  • Carmen de Georges Bizet : Tellement à dire sur Carmen ! L’héroïne devient l’objet brillant, celui qui captive et obsède Don José. Son indépendance et son magnétisme la rendent irrésistible, mais aussi dangereuse aux yeux de ceux qui voudraient la posséder. C’est moins elle qui court à sa perte que l’homme qui, incapable de supporter qu’elle lui échappe, finit par la détruire. Carmen brille d’un éclat trop libre pour un monde qui veut l’enfermer.





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